Fragments de Madame Blavatsky - La Revue Spirite - Avril 1878

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La Revue Spirite, Paris, Avril 1878

Les Spiritualistes Saxons font assez confusion entre l'esprit et le périsprit. Peut-être ne distinguent-ils pas l'un de l’autre, désignant le premier par le mot âme, le second par celui d’esprit. Les Théosophes font le contraire; pour eux, l’esprit proprement dit, le Nous, est l’esprit. Le périsprit ou Psyché, l’âme.

Les Théosophes n’admettent point de dogmes, c’est-à-dire d’idées, de principes préconçus, auxquels tout doive être subordonné. Ils cherchent la vérité avec sagesse et bonne foi, et sont disposés à l’accepter d’où qu’elle vienne, fut-ce au prix du sacrifice de ce qu’ils ont jusqu’ici admis. Quoiqu’ils disent en ce moment, ils sont loin de penser avoir tout résolu. Une telle prétention serait de l’omniscience, elle serait absurde. Le jour où un nouvel Œdipe aura trouvé l’entière solution de cette énigme des siècles: “Qu’est-ce l’homme?” ce jour là, dogmes anciens et modernes, approximations spiritualistes elles-mêmes, comme le Sphinx antique, se précipiteront dans l’Océan de l’oubli.

Les Théosophes, de même que les philosophes anciens et leur élève Paul, qui disait que le corps physique était pénétré, tenu vivant par le Psyché, périsprit, pensent que l’homme est une trinité: corps, périsprit, esprit.

Les Bouddhistes qui distinguent ces trois entités, divisent encore le périsprit en plusieurs parties. Toutefois, sur le point d’arriver à la perfection – nirvana - ils n’admettent plus guère qu’une de ces parties: l’Esprit.

Les Grecs faisaient de même, divisant le périsprit en vie et en nature passionelle, ou Thumos. Le périsprit est donc lui-même une combinaison: la vitalité physiologique, Bios; la nature concupiscible, Epithumia; et l’idéalité, Phren. Le périsprit est constitué de la substance éthérée qui emplit l’univers, il dérive donc du fluide astral cosmique, qui n’est point l’esprit; car bien qu’intangible, impalpable, ce fluide astral est matière objective, comparativement à l’esprit. Par sa nature complexe, le périsprit peut s’allier assez intimement à la nature corporelle pour échapper à l’influence morale d’une vie plus haute. De même, il peut s’unir assez étroitement à l’esprit pour partager sa puissance, auquel cas son véhicule, l’homme physique, peut paraître un Dieu, même pendant sa vie terrestre. Si une telle union de l’esprit et du périsprit n’existe pas, l’homme n’est point immortel comme entité: le périsprit est tôt ou tard dissocié.

Plutarque dit qu’à la mort, Proserpine sépare le corps de l’âme (périsprit), après quoi cette dernière devient un génie ou Daïmon, libre et indépendant. Une seconde dissolution est à intervenir, sous l’action du bien. Démètre sépare le périsprit de l’esprit. Le premier se résoud, avec le temps, en particules éthérées; le second monte, accède aux pouvoirs divins, devient graduellement un pur esprit divin.

Kapila, ainsi que tous les philosophes de l’Orient, faisait peu de cas de la nature périspritale. C’est cette agglomération de particules grossières, émanations humaines douées des imperfections, des faiblesses, des passions, des appétits même humains, et pouvant, dans certaines conditions, de venir objective, que les Bouddhistes appellent Skandhas, groupes, les Théosophes, âme, Allan Kardec, le périsprit.

Les Brahmanes et les Bouddhistes disent que l’individualité humaine n’est pas assurée tant que l’homme n’a point quitté, avec le dernier de ces groupes, le dernier vestige de teinte terrestre. De là leur doctrine de la métempsycose, si ridiculisée, mais si peu comprise de nos Orientalistes eux-mêmes. La science enseigne, en effet, que les molécules matérielles composant le corps physique de l’homme sont, par le fait de l’évolution, replacées par la nature dans les formes physiques inférieures. Eh bien, les Bouddhistes ne disent pas autre chose des particules du corps astral; ils prétendent que les groupes semi-matériels du périsprit sont appropriés à l’évolution des formes astrales inférieures, et y accèdent suivant leur degré d’épuration. Par conséquent, tant qu’un homme désincarné contient une seule particule de ces skandhas, des portions de son périsprit entrent ultérieurement dans le corps astral des plantes et des animaux. Et si l’homme astral est tellement matériel que Démètre ne puisse trouver une parcelle d’esprit, alors l’individu est dissous, pièce à pièce, dans le creuset de l’évolution. C’est ce que les Hindous figurent par un passage de 1000 années de durée dans le corps impur des animaux. Les Théosophes sont d’accord, pour le fond, avec ces données.

Pour les Théosophes, les grands caractères, les génies, les poètes, artistes véritables, sont inspirés spirituellement, et ne sont pas—en général du moins—de simples Médiums, instruments passifs dans les mains de leurs guides. Ce sont, au contraire, des âmes (périsprits) richement illuminées, c’est-a-dire possédant l’élément esprit à un haut degré, et pouvant dès lors collaborer avec les Esprits purs, à la spiritualisation, à l’élévation de l’humanité.

En ce qui concerne les phénomènes du périsprit et de la médiumnité, nous pensons que le Médium purement passif ne peut discerner les bons esprits des mauvais, qu’il lui faut pour cela devenir médiateur conscient. Nous savons aussi que, si l’homme incarné, fut-il adepte éminent, ne peut lutter en puissance avec les purs Esprits qui, étant libérés de leurs skandhas, sont devenus subjectifs aux sens physiques, il peut du moins égaler et même surpasser en matière de phénoménalité, ce que produisent les Médiums ordinaires.

L’enfant, c’est-à-dire un homme non entièrement développé, qui vient à passer dans l’autre monde, peut-il plus y exister, dans des conditions préparées pour les types perfectionnés de son espèce, que la plante ou l’animal?

L’enfant ne possède pour ainsi dire pas encore d’esprit; il n’est qu’âme, et l’éducation n’affecte que sa nature astrales, n’a trait qu’aux choses externes.

Le Cycle de l’homme n’est pas complet tant qu’il n’a point passé par la vie terrestre. Aucun stage d’épreuve ni d’expérience ne peut être sauté: il faut avoir été homme avant que d’arriver Esprit pur.

L’enfant mort est donc une faillite de la nature; il doit revivre de nouveau; le même périsprit subit alors l’épreuve interrompue, à l’aide d’une autre naissance. De même pour un idiot de naissance. Ce sont les seuls cas de réincarnation humaine.

Si l’enfant, en effet, qui n’est qu’une dualité, était immortel, pourquoi les animaux ne le seraient-ils pas? La trinité seule survit.

A la mort, le périsprit devient le corps extrême, au-dedans se forme un corps plus éthéré, et l’ensemble est plus ou moins ombragé par l’Esprit.

Cependant, les Élémentaires du corps humain ne sont pas toujours dissociés, à la mort corporelle; il se peut que, par un suprême effort, ils puissent retenir du 3ème élément, et de la sorte, lentement, avec peine, monter de sphère en sphère, rejetant à chaque passage le plus lourd de leur vêtements, revêtant de plus radieuses enveloppes, et débarrassés de toutes particules matérielles arriver enfin à la perfection devenir des unités, des Dieux.

Nous avons dit que l’Homme qui n’a pas une étincelle d’esprit divin pour le sauver, après sa mort, ne se distingue guère des animaux.

Il y a de tristes cas de ce genre, non seulement parmi les dépravés, mais aussi parmi les aveugles ou les négateurs quand même. C’est, en effet, la volonté humaine, son pouvoir souverain qui règle en partie la destinée, et si un homme s’obstine à croire à l’annihilation après la mort, elle a lieu. La détermination de la vie physique, du genre de la mort, dépend bien souvent de la volonté. Il est des gens qui échappent, par la seule énergie de leur résolution aux étreintes de la mort, tandis que d’autres succombent à d’insignifiantes maladies. Or, ce qu’un homme fait de son corps, il peut le faire de son corps astral, c’est-à-dire de son périsprit désincarné.

H. P. BLAVATSKY.